En cas de désaccords relatifs au statut des baux commerciaux ou plus particulièrement à la fixation du loyer lors du renouvellement ou de la révision du bail, les parties peuvent saisir le juge. Le juge compétent, sera selon la matière en litige, le Tribunal judiciaire ou le Président du Tribunal judiciaire. Les parties seront tenues de respecter la procédure requise tout en s’assurant que l’affaire ne soit pas prescrite.
Quelles sont les compétences des tribunaux ?
1. Compétence matérielle
Les litiges relèvent de deux juridictions distinctes :
- le Président du Tribunal judiciaire
- le Tribunal judiciaire
Ces règles de compétence présentent un caractère d'ordre public. Ainsi les autres juridictions saisies de litiges mettant en jeu à titre principal des dispositions du statut des baux commerciaux doivent se déclarer incompétentes lorsque les parties soulèvent l'exception d'incompétence.
Elles peuvent également se déclarer d'office incompétentes. Dans ce cas, il s'agit d'une faculté laissée au juge et non d'une obligation, dès lors qu'aucune des parties au litige n'a invoqué l'exception d'incompétence.
A. Compétence du Président du Tribunal Judiciaire
Le Président du TJ est le juge des loyers commerciaux. Il a, à ce titre, pouvoir de trancher toutes les contestations relatives à la fixation du prix d'un bail commercial révisé ou renouvelé.
La compétence du Président du TJ couvre les domaines suivants :
- demandes en révision triennale du loyer
- demandes d'adaptation du jeu de la clause d'échelle mobile
- demandes en modification du prix consécutivement à une déspécialisation plénière
- fixation du loyer en cas de renouvellement du bail
Le juge des loyers est notamment incompétent pour tout litige relatif :
- au principe de renouvellement
- à la date de renouvellement
- à la fixation d’une indemnité d’occupation
B. Compétence du Tribunal Judiciaire
Le TJ connaît l'ensemble des autres contestations à savoir :
a) les actions à titre principal relatives :
- au champ d’application du statut des baux commerciaux
- au droit au renouvellement
- à la contestation du congé
- à l’indemnité d’éviction
- à une demande de déspécialisation
- à la cession et sous location
- aux actions en résiliation pour violation d'une règle relative à la cession du bail ou à la sous-location ou encore à la destination des lieux
- aux actions en résiliation par application d'une clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers
- aux actions en dommages et intérêts en cas de cession ou de sous-location illicite
b) les actions à titre accessoire relatives à la fixation du prix du bail lorsqu'elles sont purement accessoires à une des contestations ci-dessus mentionnées.
La Chambre Commerciale du Tribunal judiciaire en Alsace-Moselle est compétent si aucune question ne relève des baux commerciaux.
C. Ordonnance de référé et ordonnance sur requête
a) Ordonnance de référé
Il s'agit d'une décision provisoire rendue à la demande d'une des parties dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal, le pouvoir d'ordonner immédiatement des mesures nécessaires.
Ainsi, le Président du TJ a le pouvoir en cas d'urgence d'ordonner toute mesure qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse justifiée par l'existence d'un différend. A ce titre, il peut condamner une partie au paiement d'une provision lorsque l'obligation source du paiement n'est pas sérieusement contestable. De même, il peut constater le jeu de la clause résolutoire du bail ou en suspendre les effets.
b) Ordonnance sur requête
Le Président du TJ peut de même ordonner sur requête toute mesure urgente lorsque les circonstances exigent qu'elle ne soit pas prise contradictoirement. Il s’agit des cas où il est risqué de faire connaître ses prétentions à l’autre partie, qui pourrait vouloir faire disparaître des éléments nécessaires au litige.
Ainsi, le Président du TJ est compétent pour autoriser des saisies conservatoires ou désigner un séquestre pour la consignation d'une indemnité d'éviction.
2. Compétence territoriale
La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de situation de l’immeuble.
Cette règle de compétence territoriale est considérée comme d'ordre public et les parties ne peuvent, par conséquent, pas y déroger. Cependant, si les deux parties au contrat ont la qualité de commerçant au moment de la signature du contrat, la compétence territoriale d'un autre tribunal peut être convenue entre les parties. Dès lors que l'une des parties n'est pas commerçante, aucune clause de compétence territoriale dérogatoire n'est possible. Un tribunal saisi indûment d'un litige peut soulever d'office l'incompétence.
Quelles sont les procédures ?
1. Procédure devant le juge des loyers
Une telle procédure connaît différentes étapes :
A. Demande en fixation du prix
La demande peut porter sur la révision en cours de bail ou sur la fixation du prix du bail renouvelé (cf. Notes sur le droit au renouvellement du bail commercial, le plafonnement et le déplafonnement du loyer du bail renouvelé ainsi que celle relative à la révision du loyer).
B. Mémoire préalable à la saisine du juge et mémoire en réponse
Le mémoire préalable doit comporter :
- l’adresse de l’immeuble donné à bail
- les éléments d'identification concernant les parties
- Pour les personnes physiques : nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance
- Pour les personnes morales : dénomination, siège social, titre, nom et prénoms de son représentant légal
- la copie de la demande en fixation du prix
- l’indication des autres prétentions
- les explications de fait et de droit de nature à justifier les prétentions de leur auteur ou de nature à réfuter les prétentions de l'autre partie
Le mémoire préalable est signé par la partie ou par ses représentants. Ensuite, le mémoire doit être notifié par lettre recommandée avec accusé de réception à chacune des parties.
Le mémoire en réponse comporte la réponse de l’autre partie et ce mémoire doit remplir les mêmes conditions que celles ci-dessus mentionnées et faire l'objet d'une notification dans les mêmes formes.
C. Saisine du juge des loyers
- Délai de saisine
Le juge ne peut, à peine d'irrecevabilité, être saisi avant l'expiration d'un délai d'un mois suivant la réception par son destinataire du premier mémoire établi.
- Dépôt du mémoire
La partie la plus diligente dépose au greffe du tribunal compétent son mémoire ainsi que les pièces sur lesquelles elle fonde sa demande et un plan des locaux. Elle y joint également le mémoire reçu de l’autre partie. Le dépôt est alors réalisé par la partie elle-même ou par un avocat. Au moment du dépôt, le greffe indique à la partie la date d'audience et la partie demanderesse fait délivrer une assignation à comparaître à l'adversaire pour cette date. C'est le dépôt du mémoire au greffe qui constitue la saisine du juge.
D. Modification des prétentions des parties
Les prétentions formulées à l'origine par les parties peuvent être modifiées par la suite. Cependant, le nouveau loyer qui sera fixé par le juge ne prendra effet qu'à compter de la notification du mémoire modificatif. Les parties ont également la faculté de modifier les moyens juridiques sur lesquels elles entendent fonder leurs prétentions. Mais ces moyens nouveaux ne sont recevables que s'ils ont fait l'objet d'un mémoire complémentaire : le juge n'aura pas à prendre en considération un moyen développé oralement devant lui qui n'aurait pas été préalablement exposé par écrit.
Le juge des loyers est en mesure d'ordonner toute mesure d'instruction qu'il jugera utile : visite des lieux, expertise, etc.
Sur la demande de l'une des parties, le juge peut également fixer provisoirement pendant la durée de l'instance, un montant de loyer.
E. Audience, débats et jugement
Les parties peuvent se faire assister ou représenter par un avocat.
Seuls les moyens développés dans leur mémoire peuvent être invoqués oralement lors du débat. En effet, le mémoire préalable a pour effet de fixer les limites des débats.
La décision du juge rendue après la clôture des débats doit être signifiée à la requête de la partie la plus diligente et sera susceptible d'appel.
Dans le cadre de la fixation d'un loyer à l'occasion d'un renouvellement, chacune des parties dispose d'un droit d'option pendant un délai d'un mois à compter de la signification de la décision : ce droit d'option permet au locataire de renoncer au renouvellement du bail s'il estime que le loyer excède ses possibilités. Par contre, le droit d'option permet également au propriétaire de ne pas accepter le loyer fixé judiciairement qu'il estimera trop modique. Il pourra alors refuser de renouveler le bail mais devra verser une indemnité d'éviction égale à la valeur du fonds de commerce exploité dans les locaux (rare en pratique, car l'indemnité est trop élevée).
Le droit d'option ne peut être exercé par les parties lorsque l'on se situe dans le cadre d'une révision du loyer en cours de bail.
F. Voies de recours
Les parties ont la possibilité d’interjeter appel dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement. La cour d’appel sera compétente tant pour les décisions rendues par le TJ que par le Président du TJ.
2. Procédure devant les autres juridictions
Le tribunal est saisi par la remise de l'assignation qui n'a pas à être précédée de la notification ou du dépôt d'un mémoire. Les parties doivent dans ce cas de figure, contrairement à la procédure devant le juge des loyers, être représentées obligatoirement par un avocat. Leurs prétentions sont énoncées dans l'assignation et les conclusions qui sont échangées par la suite jusqu'à l'intervention de l'ordonnance de clôture de la procédure.
Quelle prescription ?
La prescription a pour effet d’éteindre le droit d’agir de la partie intéressé. Toute procédure en dehors du délai de prescription est irrecevable. Les parties doivent donc s’assurer que l’affaire ne soit pas prescrite.
1. Prescription biennale
La majorité des actions exercées en matière de baux commerciaux, se prescrivent par 2 ans.
Il s’agit notamment des actions en :
- révision triennale du loyer
- fixation de loyer de renouvellement
- validité d'un congé
- réajustement du loyer principal en cas de sous-location
- annulation d’un clause illicite
2. Prescription de droit commun
Pour toutes les actions qui ne mettent pas en cause les règles du statut des baux commerciaux, la prescription de droit commun s’applique. Ce délai est de 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il s’agit notamment des actions en :
- résiliation judiciaire du bail pour non-respect des obligations contractuelles
- constatation de l'acquisition de la clause résolutoire
- paiement des loyers et charges
- paiement d'une indemnité d'occupation due par un locataire devenu occupant sans droit ni titre
- expulsion du locataire devenu occupant sans droit ni titre
- exécution d’un congé non contesté
Il y a des exceptions à ce délai de 5 ans :
- le délai est de 30 ans pour les actions réelles immobilières ainsi que pour les obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l'environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités
- le délai de prescription est de dix et deux ans pour les actions en responsabilité contre les constructeurs et leurs sous-traitants
3. Modalités du délai de prescription
A. Interruption du délai
Ces délais de prescription peuvent être interrompus. L'interruption efface purement et simplement le délai déjà couru et fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.
Les causes d’interruption de la prescription sont les suivantes :
- une demande en justice, y compris en référé
- une demande en justice portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure
- un acte d’exécution tel qu’un commandement de payer ou une saisie
- la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait
Exemple : lorsque suite à un congé sans indemnité d’éviction, le bailleur reconnaît le droit à une indemnité d’éviction tacitement dans le cadre d’un échange de lettres.
- une cause spécifique au bail commercial : la notification préalable du mémoire par recommandé avec accusé de réception dans le cadre des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé
La saisine de la Commission Départementale de Conciliation n’est pas une cause d’interruption de la prescription.
B. Suspension du délai de prescription
La suspension du délai de prescription a pour effet d’arrêter temporairement le cours de la prescription sans effacer le délai déjà couru.
Le délai de prescription peut être suspendu en raison de différentes causes et notamment lorsque :
- une partie est dans l’impossibilité d’agir par suite d‘un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure
- les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation
- le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès
- une cause spécifique au bail commercial : le délai ne court pas contre celui dont le droit est subordonné à la solution d’une action en cours
- une durée limitée à 20 ans (le report du point de départ du délai de prescription ainsi que sa suspension ou son interruption ne peut avoir pour effet que le délai soit supérieur à 20 ans à compter du jour de la naissance du droit)
Ce délai butoir ne s’applique pas dans les cas suivants :
- interruption de la prescription à la suite d’une demande en justice
- interruption de la prescription suite à un acte d’exécution forcée
- action réelle immobilière
- action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel
- action relative à l’état des personnes
la prescription ne court pas :
- entre époux ou entre partenaires liés par un Pacs,
- à l’égard d’une créance qui dépend d’une condition jusqu’à ce que la condition arrive,
- à l’égard d’une action en garantie jusqu’à ce que l’éviction ait lieu,
- à l’égard d’une créance à terme jusqu’à ce que le terme arrive.